D • E • S • S • I • N • S
Réalisés aux feutres Micron, mes dessins représentent des grands paysages, assemblages vibrants de minuscules motifs. Ils sont le témoignage de mes non-voyages. Les plans et les perspectives sont fausses, fidèles à l’idée que je me fais du monde.
La méthodologie de ma pratique, ses conditions, sont la nature même de mon travail, les dessins deviennent instruments de mesure du temps nécessaire à leur réalisation.
Les textes qui les légendent sont le résultat d’une moyenne entre la source sûre et la foutaise. Elles proposent quelques vérités infondées, non vérifiables et aléatoires. Chaque cartel proclame pourtant une certitude, et devient le siège d’une bêtise avérée.
La légèreté des textes, mise au regard de la laborieuse minutie des traits, révèle une poésie particulière, et avec elle, une relecture amplifiée. Dessins et textes se répondent ou s’ignorent, mais le lien entre absurde et sérieux est avéré.
Mon dessin rassure, parce qu’il témoigne de la besogne, de la patience, du temps passé, et qu’il évoque le quantifiable, un étalon reconnu. Il rassure également car que le sujet est un support de la forme, un prétexte à remplir le format, et à compter. Un art honnête en somme, simple, un art d’endurance et de ténacité, sans grande érudition, et sans moyen couteux.
Le texte, quant à lui, est un plus joueur, ambivalent, parfois fourbe : construit autour de notions piochées arbitrairement, il tisse de guingois des liens de causes à effets. C’est un texte qui se moque de ce qui rassure, distillant une tension de cette contradiction.
En outre, cartels et dessins ont cela en commun qu’ils s’abstraient de toute vérité admise et de tout savoir vérifié. S’affranchir du savoir est mon luxe, celui des imbéciles heureux.
Ma démarche se veut exempte de toute considération politique, éthique, ou morale. J’aime l’idée d’un art accessible et généreux, d’une pratique rudimentaire, nécessitant peu de moyens. J’aime ne pas pouvoir revenir en arrière, intégrer l’accident, le trait incontrôlé, le moucheron écrasé sur la feuille. Il n’y a pas de composition ratée, mais plutôt un équilibre mouvant, une tâche, une coulure, autant d’éléments qui conditionnent la réalisation à ne pas être autre chose que ce qu’elle est devenue.
Le dessin et son texte sont fixés dans le temps, ils figent leur forme finale au travers de ce qui est rendu, mais tout comme une petite voix persiste dans toute forme de silence, le mouvement du temps s’évertue à passer outre cette fixité.
Je crois bien que, dans ma pratique, il est question de traduire le temps en espace; temps séquencé en espace de travail, temps mesuré par la quantité d’espace noirci, temps vacant comme espace vierge, temps écoulé comme espace comble.